Petit actionnaire franco-suisse abonné aux coups d’éclat médiatiques, Don Quichotte des contribuables français ayant flirté un temps avec le web complotiste d’extrême-droite, chasseur émérite et amateur de safaris en Afrique ou encore tenancier d’une maison d’hôte dans la Loire : Xavier Kemlin est un homme aux mille visages, à la trajectoire sinueuse parfois difficile à suivre.
C’est à Cleppé dans le département de la Loire que Xavier Kemlin a débuté depuis l’été dernier un nouveau chapitre de sa vie, placée sous le signe de la nature et du retrait du monde. Située au cœur d’un parc clos de 60 hectares sur les berges du Lignon, l’Orangerie de Chatel se dresse parmi les chênes centenaires et les séquoias. Un retour aux sources pour l’activiste financier franco-suisse qui y a passé une partie son enfance, et lui a redonné vie en la transformant en maison d’hôte pour offrir aux touristes de passage « une expérience conviviale dans une ambiance raffinée et feutrée » et des « instants de cocooning privilégiés ». Un rêve que l’héritier de la famille Guichard couvait depuis longtemps, et qui est enfin devenu réalité.
Signe que le projet lui tenait à cœur, Xavier Kemlin a mis beaucoup du sien dans la rénovation et dans la décoration de l’Orangerie. L’homme d’affaires, qui est un amoureux de la chasse aux trophées et un grand amateur de safaris en Afrique, a aussi pensé la décoration des lieux comme un hommage à sa passion. Les murs du salon principal s’ornent ainsi de sarcelles et de canards sauvages naturalisés et suspendus par les pattes. Sur un grand buffet rustique, un renard immobile à l’affût parmi les cadres photos semble hypnotisé par les oiseaux désarticulés qui pendent de tous côtés. Ce carnaval d’animaux empaillés, en forme de nature morte du XVIIe siècle, cohabite pêle-mêle avec des meubles design façon Novotel et des œuvres d’art contemporain amassées par Kemlin, dans un ensemble cosy et rococo qui tutoie, parfois, le ridicule et le mauvais goût.
Xavier Kemlin, mémoire d’un homme rangé
Autrefois habitué aux réunions de petits porteurs, aux assemblées générales et aux salles d’attente des cabinets d’avocat parisiens, toutes ces antichambres du pouvoir et de la finance où il passait il y a quelques années le plus clair de son temps, Xavier Kemlin s’active désormais autour de la piscine pour enlever les feuilles mortes qui flottent à la surface, faire les poussières, servir le petit déjeuner de ses hôtes et changer les draps des lits. Regrette-t-il cette vie vécue à cent à l’heure depuis sa villégiature où il vit en quasi-ermite ?
« Quand on est vieux, on vit tous en Province » chantait Jacques Brel. La solitude et l’isolement n’ont pourtant jamais fait peur au trublion qui n’avait pas hésité il y a quelques années à s’en prendre à Valérie Trierweiler et à Julie Gayet, les compagnes successives de François Hollande, coupables selon lui de recel de détournement de fonds publics durant le mandat présidentiel de ce dernier. Des coups d’éclat qui lui valurent cette attention médiatique dont, tout au long de sa vie, Xavier Kemlin s’est montré si friand, mais qui, comme souvent, auront fini en eau de boudin, à l’instar de sa grève de la faim avortée en 2011 contre Bernard Arnault.
Au-delà du besoin compulsif d’attention que trahissent ses embardées médiatiques, Xavier Kemlin se montre parfois sincère dans ses combats, sans crainte de passer pour un original. Pour cet homme de gauche revendiqué, affirmant être en lutte contre le « capitalisme dévoyé » et qui résidait en 2012 en Suisse dans le canton de Genève, l’élection de François Hollande au terme d’une campagne menée tambour battant contre les riches et les exilés fiscaux l’avait exaspéré. Une exaspération qui a atteint son paroxysme avec le vote la loi sur le mariage pour tous et qui avait su, à l’époque, trouver un certain écho auprès de médias libéraux et conservateurs. Elle avait aussi valu à Xavier Kemlin de devenir une « star » pour des blogs conspirationnistes d’extrême-droite et catholiques intégristes auquel il promettait alors d’abréger le mandat de François Hollande avant son terme par la voie judiciaire.
Echaudé par ses succès en demie teinte, Xavier Kemlin se serait-il désormais rangé ? Si l’homme d’affaires affirme vouloir « se poser » comme il le confiait au journal Le Progrès en août 2018, celui-ci s’est rarement distingué par sa capacité à tenir en place. En 1998, Xavier Kemlin affirmait vouloir « tourner la page Casino », avant de lancer pendant 20 ans l’une de ses interminables campagnes dont il semble avoir seul le secret. L’âge aidant, l’héritier du groupe Guichard trouvera-t-il enfin la paix intérieure parmi les arbres de son parc ?