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La proximité : format phare de la grande distribution et priorité du groupe Casino

C’est l’un des circuits de distribution les plus en forme cette année : la proximité. Le trafic a augmenté de 8% fin octobre 2022 comparé à 2021, et le chiffre d’affaires des produits de grande consommation dans ce circuit est en hausse de 6,6%. Face à ces résultats, les poids lourds du secteur (groupe Casino, Carrefour, Intermarché, Auchan…) se montrent ambitieux. Ils ont par ailleurs annoncé leurs plans d’expansion lors du forum de la proximité organisé par LSA le 23 novembre dernier à Paris. Certaines interrogations se posent néanmoins malgré le succès du format.

Les grands acteurs français de la proximité se portent bien : Carrefour Proximité annonce 260 ouvertures en 2022, 240 l’an prochain et près de 1 000 d’ici à 2026. Le groupe ambitionne également d’ouvrir 2 400 magasins en Europe ces trois prochaines années. De son côté, Franprix – enseigne du Groupe Casino – à inauguré 180 magasins ces 12 derniers mois, un rythme élevé que l’enseigne urbaine du groupe Casino compte maintenir jusqu’en 2026. Ces implantations s’effectuent dans les grandes villes, mais également en milieu rural.

Si Carrefour, numéro deux français de la grande distribution domine pour l’instant le créneau de la proximité, avec 37% de part de marché, il est suivi de près par le distributeur stéphanois, plus rapide en ouverture. Sans compter Franprix, le groupe de Jean-Charles Naouri annonce en effet avoir ouvert ou converti 400 magasins à fin septembre (Vival, Epiceries d’à côté…).

Le groupe Casino a également le vent en poupe dans la capitale, avec un Franprix tous les 300 mètres. L’enseigne dénombre 1 100 magasins, et ce n’est qu’un début. « En inaugurant un magasin tous les deux jours, nous visons à nous étendre sur la première et deuxième couronne parisienne, Lyon, et l’arc méditerranéen », affirme le directeur général Vincent Doumerc.

La quête d’expansion de toutes ces enseignes peut pourtant sembler paradoxale en période d’inflation. Les petits formats ont en effet des coûts logistiques plus difficiles à amortir et pratiquent les prix les plus hauts du marché. Hervé Flambard, président du directoire Coop Atlantique (coopérative qui exploite 150 magasins de proximité), voit une raison à cet engouement : « Le coût du carburant joue peut-être en notre faveur. En tout cas, nous réalisons une augmentation très forte alors que les consommateurs sont préoccupés par l’inflation ».

Quoi qu’il en soit, un constat est clair : les deux années de pandémie ont renforcé la proximité, aussi bien en termes de trafic. D’après Kantar Worldpanel, le format a gagné 8% à fin octobre 2022. C’est moins que les solderies (+24%), mais mieux que les hypermarchés (+6,2%) et les supermarchés (+3,7%). La proximité sort également gagnante en termes de chiffre d’affaires. Les ventes en valeur ont en effet bondi après un petit trou d’air l’année dernière. Cela s’explique principalement par le retour des travailleurs et des touristes qui font leurs courses dans les commerces de quartier. 70% des Français et 20 millions de ménages s’arrêtent une fois par an dans les petits points de vente. La restauration est aussi un atout de la proximité, qui capte 15% des visites effectuées pour acheter un sandwich ou un plat préparé à emporter.

Il n’empêche que l’inflation est là, et elle risque d’exploser en 2023. Alors quelles sont les armes dont disposent la proximité pour résister à la menace ? « Le prix et l’assortiment seront clés. La proximité a besoin d’avoir une offre extrêmement pertinente », répond Sarah Duchazeaubeneix, directrice de clientèle chez le panéliste NielsenIQ.

Un message reçu 5 sur 5 par la majorité des enseignes qui travaillent déjà à améliorer leurs produits à marque propre. Pour ne pas se prendre le mur de l’inflation, Vincent Doumerc a par exemple relancer la gamme Leader Price, que le groupe de Jean-Charles Naouri a conservée après avoir vendu les magasins à Aldi. « Nous avons une très belle marque de distributeur, personne ne le sait, et nous voulons la démocratiser. Mais je crois aussi à un pilier écologique : acheter la juste quantité, c’est bon pour le portefeuille… et pour la planète », explique le DG de Franprix.

En clair, le dirigeant estime qu’au lieu de faire leurs grandes courses toutes les deux semaines dans un hypermarché, les consommateurs pourraient se rendre trois fois par semaine en proximité pour acheter le juste nécessaire. Une sobriété qui satisferait donc tout le monde.

Les acteurs présents au forum de LSA se rejoignent sur un point : leur avenir passera par l’e-commerce et le circuit de la livraison à domicile. La livraison est en effet l’autre grande gagnante de 2022 (+8,5% en valeur selon NielsenIQ à fin octobre, +49% de trafic d’après Kantar). Franprix surfe également sur la vague, en multipliant par 10 son commerce en ligne depuis l’apparition du coronavirus. Certains franchisés font même jusqu’à 20% de leurs chiffres d’affaires sur internet.

Les poids lourds de la distribution doivent donc optimiser leurs livraisons. Mais cette évolution nécessite des ajustements. « On peut imaginer une complémentarité entre la proximité et la livraison à domicile : leurs clients sont assez proches, âgés, urbains, aisés. Les circuits ne s’opposent pas, mais se complètent », constate le directeur du département retail de Kantar Frédéric Valette. Pour apporter de la rentabilité, cette démarche doit néanmoins être accompagnée d’une équation économique solide. Et aucun acteur n’a pour le moment trouvé la bonne solution. Aux yeux de Stéphane Legatelois, président de Delipop, qui propose des points de retrait mutualités, en partenariat avec Carrefour et Monoprix, « seule la massification permet un modèle économique rentable ».

En suivant cette analyse, le principal atout consiste à posséder un magasin. « Nos 360 magasins parisiens sont autant de lieux potentiels de préparation de commandes, ce qui réduit nos coûts marginaux et nous permet d’être rentables », insiste le directeur marketing et digital de Franprix Laurent Rapoport. Les enseignes ont par ailleurs abandonné les drives piétons, comme Auchan qui en exploite une centaine au lieu des 200 prévus. « Aujourd’hui, notre priorité se porte sur la livraison à domicile. Nous l’avons mal opérée […]. La massification est un sujet, le prix aussi », confie Thibault Vancoillie, leader LAD chez Auchan Retail.

N’y voyant pas d’avenir économique, Benoit Soury a quant lui littéralement balayé le concept du drive piéton. « Il ne répond plus à la demande en termes de délais, coûte cher, sans compter que les outils industriels pour produire les commandes très vite ne sont pas évidents ». Alors, quels distributeurs ont tort, et lesquels ont raison ? L’avenir nous le dira.

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