Santé

Réforme des retraites : la prévoyance des actifs, le grand thème oublié ?

Bientôt adoptée après un houleux débat parlementaire et des manifestations massives dans les rues, la réforme des retraites aura été enfantée dans la douleur. Des débats, des négociations et des polémiques qui ont pourtant oublié un sujet essentiel, celui de la prévoyance des actifs.

Des millions de manifestants dans les rues ; des ballons, des slogans, des chansons ; dans tous les médias, des débats à n’en plus finir ; des blocages, des grèves, des usagers mécontents et les sempiternels micros-trottoirs… : pas de doute, la France a tenté, pour la énième fois, de réformer son système de retraites. Une réforme avec beaucoup d’interrogations, comme celle de la prévoyance des actifs.

Une logique d’équilibre du système avant tout

Officiellement présenté le 10 janvier dernier par la Première ministre Élisabeth Borne, le projet de réforme vise à reculer, progressivement, l’âge de départ à la retraite à 64 ans en 2030, contre 62 aujourd’hui. Il comprend également une augmentation de la durée de cotisation, qui passerait de 42 à 43 ans (soit 172 trimestres) à l’horizon 2027. Pour justifier de telles mesures, le gouvernement s’appuie notamment sur le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), qui prévoit, si rien n’est fait pour l’enrayer, un déficit des régimes publics de retraite de l’ordre de 10 à 12 milliards d’euros par an dans les dix années à venir. Un « trou » qui pèse peu face aux quelque 330 milliards d’euros de dépenses annuelles de retraites, mais qui, cumulé sur plusieurs années, pourrait mettre la survie du régime en question.

De leur côté, les opposants à la réforme ont tenu à rappeler que le COR écrit dans son rapport que ces « résultats (…) ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». Mais le gouvernement obéit à une autre logique, principalement budgétaire : ayant promis à la Commission européenne de compenser les baisses d’impôts sur les entreprises pour résorber les déficits publics, le retard du départ à la retraite – et donc celui du versement des pensions – apparaît comme le seul moyen d’équilibrer les dépenses et de limiter le déficit.

Les femmes, les grandes perdantes de la réforme ?

Toutes les autres mesures – non-revalorisation des pensions, augmentation du nombre de trimestres requis, etc. – mettraient plus de temps à faire effet. Quant à l’augmentation des cotisations sociales, le gouvernement s’y refuse au nom de sa promesse de ne pas augmenter les impôts. En d’autres termes, « le gouvernement est focalisé sur son objectif budgétaire », analyse Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS à Sciences Po, et sur son objectif « politique (restaurer l’image de réformateur d’Emmanuel Macron et piéger la droite républicaine sur son terrain en proposant une réforme conforme à ses propositions récentes), mais (…) il fait preuve d’inconscience politique à moyen terme ». Car, prévient l’expert, « ceux qui vont subir le plus la réforme (…) sont les ouvrières et les employées peu qualifiées », deux catégories de population dont le mécontentement pourrait alimenter « le réservoir de vote du Rassemblement national ».

Les femmes pourraient bien, en effet, être les grandes perdantes du projet de réforme si celui-ci parvenait à son terme. Alors qu’elles perçoivent une pension en moyenne inférieure de 25 % à celle des hommes, les inégalités de salaires – de l’ordre de 22% selon l’Insee – et les carrières interrompues à cause des enfants pèsent sur des femmes pour qui la pénibilité de l’emploi, bien réelle, est aussi moins bien prise en compte. Bref, le compte n’y est pas et « dire que la réforme des retraites serait juste pour les femmes est complètement indécent », tranche Christiane Marty, militante d’Attac – un constat maladroitement dressé par le propre ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester, qui avait estimé, avant de se reprendre, que les femmes étaient bien « un peu pénalisées » par le projet de réforme.

La prévoyance des actifs, l’autre perdant de la réforme

Dans la bataille d’arguments qui aura opposé ces derniers mois partisans et adversaires de la réforme, un sujet important a pourtant été oublié : celui de la prévoyance, c’est-à-dire de la protection financière des actifs contre les conséquences d’un arrêt de travail long, d’une invalidité et de leurs familles en cas de décès.

Si les actifs ne représentent que 47% de la population française, les insuffisances de leur couverture représentent un coût de 8,4 milliards d’euros, soit tout de même plus de la moitié du coût total de « l’imprévoyance » en France. D’ailleurs, selon la Mutualité française, l’augmentation d’un an de l’âge moyen dans les entreprises provoquée par la précédente réforme des retraites avait entraîné dans son sillage une augmentation du nombre des arrêts de travail et de leur durée.

Se croyant, à tort, protégés contre les aléas de la vie, beaucoup d’actifs – pour les salariés du privé singulièrement parmi les non-cadres– ignorent qu’ils peuvent tout perdre en cas d’évènement grave, comme un accident ou une maladie, et basculer dans la pauvreté. Et pour les fonctionnaires les garanties sont à ce jour toujours individuelles et facultatives, laissant bon nombre d’agents sans couverture.

C’est pour sensibiliser sur ces risques que le groupe mutualiste VYV a créé un « Observatoire de l’imprévoyance », qui évalue, chiffre et analyse les risques inhérents à la faible couverture prévoyance en France, notamment chez les actifs. Complexe, le sujet met en lumière les failles de notre système collectif de protection sociale, qui ne se limite pas, loin s’en faut, à la seule question des retraites. Car avant de pouvoir prétendre à un repos bien mérité, encore faut-il atteindre cet âge en étant en mesure de faire face aux risques graves de la vie… Un nouveau chantier pour le gouvernement ?

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