Groupe Casino : la dernière bataille de Jean-Charles Naouri

Jean-Charles Naouri a eu une trajectoire professionnelle peu commune. Rien ne prédestinait en effet ce natif d’Annaba (Algérie) à devenir le PDG du groupe Casino, poids lourd de la grande distribution française. Retour sur le parcours de cet homme d’affaires peu commun, aujourd’hui capitaine d’un navire qui affronte la tourmente.

En 31 ans, Jean-Charles Naouri a construit un empire dans le secteur de la grande distribution. Cet homme d’affaires préside en effet la foncière Euris SAS qui détient le groupe Rallye qui lui-même possède 51,3 % du groupe de distribution stéphanois. Ce dernier marque discrètement le paysage de la grande distribution hexagonale : Monoprix, Monop’, Géant Casino, Franprix, Spar, Leader Price, Sherpa, Vival…Sous la présidence de « JCN », le groupe Casino s’est en effet développé grâce à des emprunts et investissements fructueux. En 2022, il a réalisé un chiffre d’affaires de 33,6 milliards d’euros.

Jean-Charles Naouri est né le 8 mars 1949 à Annaba (anciennement Bône), ville du nord-est de l’Algérie. Normalien, Docteur en mathématiques, diplômé d’Harvard et de l’ENA (Ecole nationale d’administration), Jean-Charles Naouri débute sa carrière en tant qu’inspecteur des finances. En 1982, il devient directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy, alors ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale. Deux ans plus tard, Jean-Charles Naouri accompagne Bérégovoy au ministère de l’Economie, des Finances et du Budget. Il publie un Livre blanc sur la réforme du financement de l’économie en 1986. Un travail qui lui permet de réfléchir aux évolutions économiques qui se profilent pour les années à venir. Jean-Charles Naouri contribue aussi à la mise en place de réformes ayant pour but de moderniser le système financier français (création du MATIF, des billets de trésorerie, des options des certificats de dépôt…).

En 1987, Jean-Charles Naouri se tourne vers le privé et intègre la banque d’affaires Rothschild en qualité d’associé-gérant. Il crée en parallèle Euris, une société d’investissement qui prend des participations minoritaires dans des entreprises industrielles. Euris monte rapidement en puissance et accroît ses capacités d’intervention. Trois ans plus tard, l’entrepreneur réajuste sa stratégie d’investissement pour accompagner durablement le développement des entreprises de son portefeuille.
Cette stratégie conduit Jean-Charles Naouri à s’intéresser à la grande distribution. Il rachète en 1991 l’entreprise bretonne Rallye, alors touchée par des graves problèmes de trésorerie. Convaincu de la force du secteur et des deux sociétés rassemblées, JCN apporte Rallye au groupe Casino, dont il devient le premier actionnaire l’année suivante. Son arrivée dynamise le groupe de distribution stéphanois, qui connaît une nette croissance tant en France qu’à l’étranger, et double son chiffre d’affaires en l’espace de 5 ans (1992-1997). Dans la foulée, Jean-Charles Naouri à l’idée d’orienter les enseignes Casino vers le commerce de proximité. Le Groupe va ainsi acquérir bon nombre d’enseignes de proximité et de discount porteuses : Leader Price, Franprix, Monoprix et le site d’e-commerce Cdiscount. En 2005, JCN devient Président-Directeur général du groupe Casino.

Un entrepreneur visionnaire

Face à un marché de la consommation mature et complexe, le nouveau PDG réoriente la stratégie du Groupe pour mieux l’adapter aux défis du marché. Il a notamment su anticiper les grandes évolutions à l’œuvre dans le secteur de la distribution. Jean-Charles Naouri a par exemple été l’un des premiers à miser sur le digital, et Cdiscount est aujourd’hui un acteur majeur du e-commerce en France : l’enseigne est effet en seconde place du marché hexagonal, juste derrière le géant Amazon.

Le positionnement multiformat de proximité voulu par JCN a également renforcé le positionnement de son Groupe. Le portefeuille d’enseignes Casino couvre aujourd’hui tous les territoires et répond à la demande de chaque habitant, avec des hypermarchés en périphérie des métropoles et des points de vente de petite taille ou taille moyenne en centre-ville. Toutes les gammes sont également proposées, du premium au hard discount.

Jean-Charles Naouri a fait de la diversification un levier de développement du Groupe, et cela s’illustre au niveau géographique. Le groupe Casino a réalisé 33,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Il possède 12 389 points de vente à travers le globe et a ouvert 879 magasins de proximité en France l’année dernière (1 000 prévus en 2023). C’est à la fois le 1er e-commerçant et le premier groupe de proximité hexagonal. Il emploie 208 254 salariés dans le monde, dont 9 133 en situation de handicap. Le distributeur stéphanois a diversifié son implantation à l’international dans des pays considérés comme des relais de croissance économique.

Le groupe Casino a connu un vif succès en Amérique latine, à l’image du Brésil, où Assai, son enseigne cash & carry (libre-service de gros) a réalisé +31 % de chiffre d’affaires au cours de l’année 2022. En 2013, le ministre des Affaires étrangères de l’époque Laurent Fabius avait également nommé Jean-Charles Naouri « représentant spécial pour la relation économique au Brésil ». En juin 2023, le groupe Casio a finalisé la cession d’Assai dans le contexte de son plan de cession d’actifs permettant d’accéléré son désendettement. Le distributeur est également positionné en Colombie, en Uruguay ou en Argentine grâce à sa filiale Grupo Éxito. Le chiffre d’affaires du retailer en Amérique latine a progressé de 23,1 % à 17,8 milliards d’euros en 2022.

Jean-Charles Naouri est actuellement concentré sur les négociations avec les créanciers afin d’assurer la viabilité future du Groupe. Jeudi 27 juillet dernier, il a en effet noué un accord de principe avec Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière visant à restructurer financièrement l’entreprise. Dans un entretien accordé au journal Le Point, Jean-Charles Naouri a expliqué que : « dans un délai court, un accord de restructuration financière a été trouvé. Les actifs du groupe, les magasins et les équipes ne sont pas touchés. J’en suis satisfait et je pense avoir fait mon devoir. […] Mon honneur c’est de transmettre le groupe dans son intégrité, c’est une promesse morale faite à Antoine Guichard (petit-fils de Geoffroy Guichard, fondateur du groupe Casino) qui méritait que l’on mène la plus dure des batailles ».

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À propos de l'auteur

Marc

Digital Entrepreneur et rédacteur en chef sur HelloBiz.fr.