Le Canard enchaîné révèle l’existence de clauses de silence à durée illimitée qui auraient été imposées à des journalistes quittant les médias du groupe Bolloré. Une pratique contractuelle qui, selon l’hebdomadaire satirique, soulèverait de nombreuses questions sur la liberté d’expression dans un contexte de concentration médiatique.
Des clauses de silence imposées à vie
Depuis 2016, plus de 500 journalistes auraient quitté les rédactions passées sous le contrôle de Vincent Bolloré, d’après une enquête de Reporters sans frontières. Dans un article publié le 9 juillet, Le Canard enchaîné indique que nombre d’entre eux se seraient vu imposer une clause de non-dénigrement, les engageant à ne pas critiquer publiquement le groupe, ses dirigeants ou ses filiales. Une obligation qui serait valable… à vie.
Des restrictions bien au-delà de la confidentialité
Loin des usages habituels en matière de départ négocié, ces clauses iraient bien au-delà de la simple confidentialité.
« Elles interdisent toute remarque défavorable, qu’elle soit directe ou indirecte, à propos des sociétés du groupe, qu’il s’agisse de médias, d’éditeurs, de chaînes de télévision ou encore de figures médiatiques liées à l’empire Bolloré », écrit Le Canard enchaîné.
Un champ d’application très large
Le champ d’application de ces clauses serait particulièrement large. Dans certains cas, il semblerait même déconnecté de la réalité professionnelle des signataires. Un ancien salarié d’iTélé aurait expliqué qu’il lui serait « interdit de mentionner CNews », bien qu’il ait quitté l’entreprise avant que celle-ci ne prenne son orientation actuelle. Un autre, ex-Europe 1, aurait affirmé qu’il lui serait désormais interdit, à vie, « d’évoquer la radio, ses dirigeants ou encore des personnalités comme Cyril Hanouna ».
Des clauses qui empêchent aussi de témoigner
Toujours selon Le Canard enchaîné, ces engagements contractuels incluraient également l’interdiction de témoigner dans le cadre de procédures judiciaires impliquant l’ancien employeur.
« Si un ex-collègue passe aux prud’hommes, je dois me taire », confierait ainsi une ancienne journaliste de Paris Match citée par l’hebdomadaire.
Une contrainte juridique qui pèserait lourdement sur la possibilité d’agir collectivement ou de rendre compte d’éventuelles dérives internes.
Le cas de Jean-Baptiste Rivoire
L’exemple de Jean-Baptiste Rivoire est mis en avant dans l’article. Ancien rédacteur en chef adjoint de l’émission Spécial Investigation sur Canal+, il a participé en 2021 à un documentaire critiquant les méthodes du groupe Bolloré. Trois ans plus tard, en 2024, il a été condamné par les prud’hommes de Boulogne-Billancourt à rembourser plus de 150 000 euros, au motif qu’il aurait enfreint la clause signée lors de son départ.
Des mécanismes contractuels dénoncés
Son avocat, Me Vincent Brengarth, cité par Le Canard, évoque des dispositions contractuelles relevant d’une « logique de puissance » et d’une forme de « prédation ». L’hebdomadaire souligne que ces clauses permettraient de neutraliser toute critique publique, même longtemps après le départ des intéressés, y compris dans des secteurs extérieurs au journalisme.
Une censure contractuelle en contradiction avec le droit européen
Le Canard enchaîné s’interroge sur la compatibilité de ces clauses, qui restreindraient durablement la liberté d’expression, avec les protections spécifiques dont bénéficient les journalistes en droit européen. Alors que la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît aux professionnels de l’information un droit renforcé à la parole, la multiplication de ces contrats poserait, selon l’hebdomadaire, la question d’une censure contractuelle de fait.
Dans ce système, conclut Le Canard enchaîné, la critique ne se combat plus sur le fond, mais se prévient par la signature. Pour l’heure, rares seraient ceux qui oseraient défier ce pacte du silence.
Ça vous a plu ? 4.5/5 (30)
Est-ce que ce genre de clause est vraiment légal en France ? 🤔
Merci au Canard enchaîné pour mettre en lumière ces pratiques. C’est choquant !
Je me demande combien d’autres entreprises utilisent des clauses similaires… 😟
Encore une preuve que la liberté de la presse est en danger. 😡
Vincent Bolloré a-t-il vraiment besoin de recourir à de telles méthodes pour contrôler l’information ?
C’est fou de penser que quelqu’un peut être réduit au silence à vie. Quelle époque !