Le 21 mai 2024, plusieurs comédiens de doublage français ont alerté la ministre de la Culture, Rachida Dati, sur la menace imminente que représente l’IA pour leur métier.
Depuis plusieurs mois, le métier de comédien de doublage est au centre d’une polémique grandissante. Ce mardi 21 mai, une vidéo relayée sur les réseaux sociaux par des voix connues du cinéma et de la télévision française a suscité une onde de choc. Ils dénoncent une menace sérieuse pour leur profession : celle de l’intelligence artificielle (IA).
Comédiens de doublage : l’alerte des professionnels
Brigitte Lecordier, célèbre pour avoir doublé Goku dans le dessin animé Dragon Ball et Oui-Oui, a été l’une des initiatrices de cette démarche. La vidéo partagée sur X (anciennement Twitter), sous le hashtag #TouchePasMaVF, avait pour but d’appeler la communauté française à se mobiliser contre l’utilisation croissante de l’IA dans le doublage.
Les comédiens y expriment une réalité inquiétante : l’IA risque de remplacer l’humain, et notamment dans les métiers créatifs où la sensibilité, l’émotion et l’unicité de la voix humaine sont primordiales. Selon eux, ces technologies ne visent pas à supporter ni améliorer un travail artistique, mais bien à substituer les comédiens par des « voix de robots ». Les accusations ne s’arrêtent pas là, car les professionnels pointent également du doigt le vol de leurs voix, utilisées sans permission pour entraîner les algorithmes d’IA.
Les répercussions d’un progrès technologique
Leur message est clair : la technologie met en danger quelque 15 000 emplois en France, tous confondus dans les domaines du doublage et du jeu vidéo. Les craintes sont d’autant plus grandes lorsqu’ils évoquent les impacts sociétaux potentiels, comme l’utilisation frauduleuse de voix usurpées pour des arnaques ou des manipulations diverses.
Des icônes incontournables du monde du doublage français, comme les voix françaises de Spiderman, Morgan Freeman, Homer Simpson ou encore Zelda, ont également pris part à cette action collective. Tous appellent à des mesures rapides de la part des autorités pour protéger ce qu’ils qualifient de « richesse culturelle » française. La ministre de la Culture, Rachida Dati, est sollicitée pour garantir que les versions françaises continuent à être faites par des artistes humains et non par des machines. Une pétition circule déjà en ligne, cherchant à rallier le maximum de soutiens.
Des célébrités internationales se mobilisent
Cette mobilisation française survient alors que des célébrités internationales sont aussi touchées par ce phénomène. Scarlett Johansson, par exemple, a récemment accusé OpenAI, la société derrière ChatGPT, d’avoir usurpé sa voix pour créer une version vocale de leur IA. OpenAI avait proposé à l’actrice de prêter sa voix à l’assistant vocal Sky de ChatGPT 4.0, proposition qu’elle avait refusée. Or, elle fut choquée de découvrir que la firme avait tout de même tenté de recréer sa voix sans son consentement.
La situation a pris une ampleur juridique avec des avocats envoyant des lettres de mise en demeure à OpenAI, obligeant finalement la société à retirer la voix contestée. Bien que OpenAI ait nié toute imitation, le scandale souligne les défis éthiques et légaux posés par l’usage de l’IA dans le domaine des voix synthétiques.
Traduction en temps réel : des innovations controversées
D’un autre côté, la technologie montre son potentiel spectaculaire, mais aussi ses dérives possibles. HeyGen, une entreprise de pointe dans l’IA, a démontré des capacités impressionnantes en traduisant en temps réel les discours, synchronisant parfaitement les mouvements des lèvres avec les mots prononcés.
Lors du forum économique mondial de Davos, le discours de Javier Milei, le président argentin, a été retranscrit et traduit en temps réel par HeyGen. Au point que certains auraient pu croire que le dirigeant s’exprimait directement en anglais, alors qu’il parlait en espagnol.
L’impact de ces technologies ouvre la voie à des deepfakes encore plus convaincants, alimentant les craintes sur une potentielle disparition du métier de doublage. Mais plus largement, ces innovations posent des questions fondamentales sur la place de l’IA dans les professions artistiques et culturelles.
Le marché du doublage est-il prêt à embrasser ces technologies de manière éthique ou doit-il tracer des lignes claires pour préserver l’humain au cœur de la création artistique ? La question est posée à la société entière.