Alors que le gouvernement ambitionne de faire de la France une « grande nation de l’intelligence artificielle », l’IA pourrait-elle réellement contribuer aux efforts RSE et à la transformation écologique des entreprises ?
L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans le cadre de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et de la transformation écologique est en pleine expansion. De nombreuses entreprises explorent les possibilités offertes par cette technologie pour collecter des données ESG (Environnement, Social, Gouvernance) et optimiser leur production, malgré les défis associés à son impact environnemental.
Trouver la bonne information
La recherche d’informations précises sur les impacts environnementaux et sociaux est un domaine où l’IA peut s’avérer précieuse. Des chatbots spécialisés, comme ceux développés par Haatch, permettent de poser des questions spécifiques et d’obtenir des réponses fondées sur des références légales et normatives. Ces outils, bien qu’encore imparfaits, constitueront un bon point de départ pour les discussions et les recherches approfondies. Les chatbots « coach RSE » et « Easy CSRD » de Haatch, actuellement en phase de test, sont un exemple pertinent de cette innovation.
Les initiatives comme celle d’Ekimetrics, avec leur outil « Climate Q&A, » montrent également le potentiel de l’IA pour des questions complexes liées au climat et à la biodiversité. Alimenté par des rapports du GIEC et de l’IPBES, cet outil aide à évaluer la pertinence des innovations face aux enjeux environnementaux. D’autres acteurs, comme l’association A Compétence Égale, ont créé des chatbots spécialisés pour lutter contre les discriminations au travail, se basant sur des documents de référence nationaux.
Cependant, l’impact environnemental de ces technologies doit être pris en compte. Une requête sur Chat GPT, par exemple, émet dix fois plus de carbone qu’une simple recherche Google. Il est donc essentiel de réserver l’utilisation de l’IA pour des requêtes qui en valent vraiment la peine.
Reporting RSE : l’IA pour collecter et analyser les données
L’IA se révèle être un atout pour la collecte, l’extraction et l’analyse des données ESG/RSE, en particulier dans le contexte des exigences croissantes en matière de reporting de durabilité. Selon une enquête ESG Pactioner Survey, près de 8 professionnels sur 10 pensent que l’IA facilitera la tâche de reporting et rendra les rapports de durabilité plus efficaces.
Les cabinets de conseil spécialisés comme Avisia et Ekimetrics utilisent l’IA pour pré-remplir les documents de reporting, en s’appuyant sur des documents de référence et des rapports d’entreprises. L’outil développé par Ekimetrics permet non seulement de générer des narratifs pour expliquer les politiques de durabilité, mais aussi de réaliser des analyses d’écart entre les données existantes et celles requises par la CSRD. De même, la fintech Iceberg Data Lab a lancé « Barbatus », un chatbot capable de comparer les rapports RSE et CSRD des entreprises, facilitant ainsi l’analyse pour les analystes financiers.
Néanmoins, il est crucial de disposer de données fiables et harmonisées pour tirer parti de ces outils. En l’absence de tels prérequis, l’efficacité des systèmes d’IA dans ce domaine serait grandement limitée.
Anticiper les risques sur sa supply chain
Pour les grandes entreprises avec des milliers de fournisseurs, l’IA peut jouer un rôle clé dans la cartographie des risques de la chaîne d’approvisionnement. La plateforme Ecovadis utilise des algorithmes de machine learning pour scanner le web et collecter des certificats et des rapports RSE, permettant ainsi une première analyse des risques liés aux fournisseurs sans les contacter directement.
L’IA offre ici plusieurs avantages : une couverture large des fournisseurs et un traitement efficace d’un grand volume de données. Néanmoins, pour des vérifications plus poussées, l’intervention humaine reste indispensable pour analyser les documents et assurer un engagement réel des fournisseurs.
À l’avenir, l’IA pourrait également aider à établir une géolocalisation précise des risques climatiques auxquels les entreprises sont exposées, fournissant des solutions pour y faire face.
Optimiser sa production
L’IA est également utilisée pour optimiser les flux de production et décarboner les processus industriels. Selon une étude BCG – Google, l’IA pourrait contribuer à atténuer 5-10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2030. L’IA anticipe et optimise les flux, réduit la consommation d’énergie et favorise l’économie circulaire. Elle est notamment employée dans la logistique pour optimiser les trajets de livraison, anticiper la demande et améliorer les produits ou procédés.
Cependant, l’optimisation a ses limites. Si les pratiques et les modèles économiques ne sont pas transformés en profondeur, les gains énergétiques risquent d’être annulés par des effets rebond, menant à une intensification des usages.
Une condition sine qua non : un usage utile de l’IA
L’IA ne sauvera pas la planète seule et il est impératif de l’utiliser de manière judicieuse pour éviter de dégrader davantage l’environnement. La consommation énergétique de l’IA, en particulier celle des modèles génératifs comme Chat GPT, est un défi de plus en plus pressant. Par exemple, l’utilisation prolongée de ces modèles peut conduire à une augmentation significative des émissions de carbone.
Les entreprises doivent donc se demander à quels usages réserver l’IA. Les usages « gadgets » devraient être limités pour privilégier des applications réellement bénéfiques pour le bien commun. Pour y parvenir, une gouvernance démocratique et transparente des données est indispensable. Quel rôle l’IA jouera-t-elle dans notre quête d’un monde plus durable et plus équitable ?
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