Alors que la France s’apprête à durcir sa réglementation contre la fast fashion, le géant chinois Shein prend les devants. Avec une campagne baptisée « Pour une mode accessible », largement déployée sur Les Échos, Le Figaro et en affichage physique, le groupe entend défendre son modèle face à une proposition de loi qui pourrait bouleverser son activité… et toucher directement les consommateurs aux revenus modestes. Derrière ce bras de fer, c’est une bataille d’image et d’interprétation du développement durable dans la mode qui se joue.
Une loi jugée injuste et contre-productive
La proposition de loi française, actuellement débattue au Sénat après son adoption à l’Assemblée nationale, prévoit d’imposer une taxe environnementale progressive sur les produits textiles commercialisés par les acteurs de la fast fashion. Cette taxe pourrait atteindre 10 euros par article d’ici 2030, une mesure explicitement pensée pour viser des plateformes comme Shein ou Temu.
Face à ce dispositif, Shein déploie une ligne de défense construite autour d’un argument central : la mode à bas prix n’est pas un luxe, mais une nécessité pour une large partie de la population. Selon une étude IFOP mise en avant dans sa campagne, 60 % des Français ont déjà renoncé à acheter des vêtements pour des raisons financières. Un chiffre qui souligne que toute augmentation des prix toucherait d’abord les classes populaires, creusant davantage les inégalités d’accès à l’habillement.
« Nous défendons l’idée d’une mode pour tous », souligne la campagne, rappelant que la démocratisation de la mode est un facteur social important, bien au-delà d’une simple question de consommation.
Un modèle de production qui se veut plus vertueux
Au-delà de l’accessibilité économique, Shein entend aussi repositionner son modèle comme une réponse aux défis écologiques contemporains. Contrairement à l’image traditionnelle de la fast fashion basée sur la surproduction, l’entreprise affirme avoir adopté un modèle de production « à la demande » innovant.
Concrètement, les nouveautés sont produites initialement en très petites séries (100 à 200 pièces), puis adaptées en fonction de la demande réelle. Selon Shein, cette approche permet de réduire massivement les invendus — un problème majeur dans l’industrie textile, où des millions de tonnes de vêtements neufs sont jetés chaque année. Depuis 2022, l’utilisation de nouvelles technologies d’impression aurait permis à Shein d’économiser 19 500 tonnes d’eau, soit une réduction de 70 % de la consommation par rapport aux procédés classiques.
L’entreprise ambitionne également que 31 % de ses produits textiles soient constitués de polyester recyclé d’ici 2030, signe, selon elle, de son engagement en faveur d’une mode plus circulaire.
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Un acteur économique significatif en France
Shein ne se contente pas de défendre son modèle en termes de consommation ou d’écologie. La plateforme met également en avant son impact économique local : en 2023, son activité aurait contribué à hauteur de 640 millions d’euros au PIB français et soutenu près de 2 900 emplois directs et indirects.
À travers ses programmes d’incubation pour les jeunes créateurs — notamment Shein X, qui a déjà accompagné plus de 5 300 artistes et designers dans le monde, dont plus de 100 en France — Shein veut montrer qu’il s’inscrit dans l’écosystème créatif hexagonal, loin du stéréotype du « prédateur asiatique » insensible aux dynamiques locales.
À travers le lancement du programme « SHEIN X: Fashion Forward », l’entreprise propose même de soutenir le développement de jeunes marques françaises indépendantes, un argument de poids au moment où la loi est parfois présentée comme protégeant avant tout les acteurs historiques de la grande distribution textile.
Une critique de l’approche ciblée de la loi
Si Shein monte au créneau, c’est aussi parce qu’elle juge que le dispositif législatif en préparation est mal calibré. L’entreprise estime que la lutte contre l’impact environnemental du textile mérite une approche globale — incluant l’ensemble du secteur, et pas seulement quelques enseignes ultra-médiatisées.
Dans sa communication, Shein rappelle que ses engagements en faveur de l’économie circulaire ne se limitent pas à la production à la demande : la création de la plateforme de revente entre particuliers « SHEIN Exchange » vise à encourager la seconde vie des vêtements, tandis qu’un fonds de 200 millions d’euros a été lancé pour soutenir l’innovation en matière de durabilité.
En filigrane, Shein reproche à la proposition de loi française de s’attaquer à un symbole plutôt qu’au problème structurel de l’industrie textile : la surproduction de masse générée par des systèmes classiques, bien au-delà des plateformes numériques.
Une bataille d’image en cours
L’initiative de Shein ne se limite pas à une simple campagne de défense. En cherchant à imposer une nouvelle lecture de son modèle — plus vertueux, plus inclusif, plus ancré dans les réalités sociales —, l’entreprise espère influencer le débat public et peser sur la décision parlementaire.
Cette bataille de communication s’inscrit dans un contexte de méfiance croissante envers le secteur de la mode rapide. Des ONG et des médias n’ont cessé de dénoncer les conditions de travail chez certains sous-traitants de Shein et le recours présumé au coton du Xinjiang, où des suspicions de travail forcé persistent. Shein, de son côté, affirme renforcer ses audits et ses programmes de conformité tout au long de sa chaîne d’approvisionnement.
Reste à savoir si l’offensive « Pour une mode accessible » permettra de convaincre les décideurs politiques — et plus largement, l’opinion publique — que l’accessibilité économique et les engagements écologiques ne sont pas nécessairement antinomiques.
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Je trouve ça ridicule qu’on veuille taxer encore plus les produits abordables. 😒
Shein a vraiment un argument solide en parlant de nécessité plutôt que de luxe.
Pourquoi ne pas simplement encourager le recyclage plutôt que de taxer ? 🤔
10 euros de taxe par vêtement, c’est énorme ! Qui peut se le permettre ?
Merci Shein de penser aux consommateurs à petits budgets. 👍
Une taxe pour sauver la planète ? Espérons que ça fonctionne.
Shein utilise du polyester recyclé, c’est pas mal comme démarche !